Les instituts polytechniques et un Canada carboneutre
Cet article a été initialement publié dans Options Politiques Janvier 24, 2020
Plus d’un mois après les élections fédérales d’octobre dernier, les libéraux ont enfin brisé le silence et présenté les orientations qu’ils entendent prendre au cours de la 43e législature. Un point ressort clairement du discours du Trône et des lettres de mandat adressées aux ministres : la lutte contre les changements climatiques sera une priorité fondamentale pour le gouvernement.
Avec raison d’ailleurs. Les changements climatiques entraînent déjà des répercussions en matière de santé, de migration et de bien-être économique partout dans le monde, et le Canada n’est pas épargné. Tous les Canadiens, y compris nos politiciens, nos chefs d’entreprise et notre corps enseignant, doivent se mobiliser pour trouver des solutions qui amélioreront notre capacité à répondre à l’urgence climatique.
Jusqu’à présent, les libéraux ont pris plusieurs engagements, dont ceux-ci : rendre le Canada carboneutre d’ici 2050 ; déployer une infrastructure de recharge pancanadienne qui favorisera l’adoption des véhicules électriques ; recourir davantage aux énergies renouvelables ; produire des carburants plus propres ; investir dans le développement des compétences afin de former suffisamment de personnel qualifié pour réaliser des audits énergétiques, inciter à la rénovation écoénergétique et la construction de maisons à consommation d’énergie nette zéro.
Ce sont tous des objectifs louables, mais le gouvernement ne pourra pas les atteindre seul. La réussite de son ambitieux plan d’action nécessitera l’adhésion et la collaboration de tous les secteurs de l’économie et davantage qu’une taxe modérée sur le carbone. Pour parvenir à ses fins, il devra investir fortement tant pour favoriser l’innovation que pour développer les talents nécessaires à la mise en valeur des technologies.
Les instituts polytechniques du Canada se situent précisément à la jonction entre ces deux volets. Ce sont des établissements d’envergure, autorisés à décerner des diplômes, qui disposent de solides moyens en recherche appliquée. Ils se présentent donc comme des partenaires naturels dans la lutte contre les changements climatiques.
Ces instituts collaborent avec des entreprises et des organismes sans but lucratif dans tous les secteurs de l’industrie et de la société. Ils contribuent à l’adoption et à la commercialisation de nouvelles technologies qui réduisent notre empreinte carbone. En même temps, ils forment une main-d’œuvre dotée du savoir-faire nécessaire à l’exploitation de ces technologies.
Toutes sortes de projets axés sur le développement technologique sont déjà en branle en partenariat avec des instituts polytechniques. Au British Columbia Institute of Technology (BCIT) de Vancouver, un projet de recherche appliquée sur les micro-réseaux aide les communautés autochtones en région éloignée à abandonner graduellement le diesel. La technologie mise au point pour le projet facilitera d’ailleurs l’installation de bornes de recharge pour véhicules électriques dans les centres urbains. Au Collège Red River de Winnipeg, on mène des recherches sur la conception de bornes de recharge pour véhicules électriques alimentées à partir de batteries d’autobus urbains recyclées. Au Collège George Brown de Toronto, un bâtiment en bois de 10 étages servira pendant sa construction de laboratoire vivant pour permettre aux étudiants d’en apprendre davantage sur les immeubles respectueux du climat.
En ce qui touche le volet de développement de talents, le Northern Alberta Institute of Technology (NAIT) et le Southern Alberta Institute of Technology (SAIT) ont établi ensemble un programme de formation sur l’entretien des véhicules électriques lourds, incluant les camions utilisés dans l’industrie des sables bitumineux. Enfin, le Collège Humber de Toronto a créé un diplôme d’études avancées en durabilité. Ce programme prépare les étudiants à piloter la transition des infrastructures canadiennes en leur permettant d’acquérir les compétences nécessaires pour concevoir et implanter des systèmes de production d’énergies renouvelables hors réseau.
Force est de constater que les instituts polytechniques ont presque tous adopté la durabilité comme objectif d’apprentissage général pour veiller à ce que les diplômés qui intègrent le marché de l’emploi travaillent dans cette optique, quel que soit leur domaine.
Au moment où il s’apprête à déployer son plan d’action pour le climat, le gouvernement fédéral devrait envisager de s’associer aux instituts polytechniques pour le mettre en œuvre et ne pas hésiter à investir substantiellement dans l’innovation et le talent. Notre avenir en dépend.